Le ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi Ould Sidi Mohamed nous a accordé un entretien exclusif à l’occasion du lancement du site « www.kibaruu.ml ». Il y évoque les sujets brulants de l’actualité notamment le processus de paix en cours au Mali. L’occasion a été également mise à profit par le ministre Zahabi pour revenir sur les avancées obtenues à travers les séries de rencontres initiées dans le cadre du Comité de Suivi de l’Accord et de la réunion d’Anefis qui a permis de donner un coup d’accélérateur au processus de paix. Il a aussi été question des obstacles qui freinent sa bonne marche et les pistes de solutions permettant de les franchir.
Kibaruu : Près de six mois après la signature et le parachèvement de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, peut-on dire aujourd’hui que le processus de réconciliation est en marche ?
M. Zahabi Ould Sidi Mohamed : En effet, près de six mois après le parachèvement de la signature de l’accord, on peut affirmer qu'aujourd’hui le processus est en marche. Cela pour plusieurs raisons. Déjà, toutes les parties prenantes sont pleinement engagées dans le processus de paix et de réconciliation. Comme vous le savez, le Comité de suivi de l’accord de paix a été installé. Même s’il y a encore des détails à régler par rapport au caractère inclusif du processus, le plus important est fait. Cet organe s’est réuni à plusieurs reprises et a eu à débattre de son règlement intérieur qui a été adopté. Mieux, les quatre sous-commissions que l’accord prévoit ont toutes été mises en place et certaines ont même commencé à travailler. En termes d’acquis par rapport au processus, ceci est très important. En plus, le gouvernement a affecté un local pour abriter les réunions du comité de suivi de l’accord à savoir l’ancien CRES de Bamako en cours d’aménagement pour servir de siège permanent à cet organe.
L’autre point important par rapport au processus c’est la mise en place de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation. C’est l’un des piliers importants du processus et comme vous le savez le président de la République, El Hadj Ibrahim Boubacar Keïta a nommé une personnalité de ce pays en l’occurrence M. Oumarou Sidibé comme président de cette commission. Récemment, les quinze commissaires ont été désignés à travers une procédure participative et inclusive. En plus de cela, il y a aussi la nouvelle dynamique qui a été créée par la rencontre d’Anefis au cours de laquelle tout le monde a observé un processus maliano-malien qui est en train de montrer ses preuves à travers des structures de médiation. Il est important de souligner que le président de la République a rencontré à deux reprises toutes les parties notamment les mouvements de la Plateforme et ceux de la CMA. Il a eu à partager des repas avec eux et je crois que tout le monde respecte le président IBK. Le processus est aujourd’hui en train de bénéficier de sa crédibilité. Il a parlé à ses frères dont Algabass Ag Intalla qui était un ancien député avec lui, pour leur demander d’arrêter et de se joindre aux discussions.
Le chef d’état-major de la CMA, le colonel Najim du MNLA qui n’est jamais venu à Bamako, a également effectué le déplacement dans la capitale malienne. Le Président IBK leur a demandé d’arrêter tout cela et de s’engager dans la reconstruction du pays en tournant définitivement la page de la crise. Il faut arrêter cette guerre stupide, car chaque Malien qui tombe aujourd’hui c’est une perte pour la nation malienne. Cet appel du cœur du président de la République a été entendu par ses frères qui se sont engagés résolument dans la voie de la paix. Je crois que les résultats sont là. C’est peu de temps après ces propos du président IBK qu’il y a eu la rencontre d’Anefis à l’issue de laquelle les groupes armés ont tenu parole et je tiens à leur adresser mes félicitations pour cela. Après cette rencontre, des échanges de prisonniers ont pu avoir lieu et une mission de l’Etat s’est même rendue au nord pour évaluer les besoins des populations de cette partie du pays. Le président de la République a beaucoup insisté en disant aux jeunes de Kidal et aux responsables de la CMA qu’il ne tient pas à ce que les enfants de la 8e région administrative du Mali soient pénalisés en ne reprenant pas le chemin de l’école. Chose qui lui tenait à cœur personnellement. C’est ainsi que la rentrée scolaire a pu se dérouler à Kidal comme dans toutes les autres régions du pays. Ce qui est bien dans ce dialogue direct entre Maliens, c’est le fait que cette mission qui s’est rendue au nord pour évaluer les besoins dans la région de Kidal a été entièrement sécurisée par les éléments de la CMA. Ce ne sont pas les casques bleus de la MINUSMA encore moins les soldats de l’Opération Barkhane. Ainsi, ce sont des Maliens qui rencontrent d’autres Maliens et qui regardent tous vers la même direction. Ce sont des acquis importants, des preuves tangibles sur l’évolution positive du processus de paix. Et les mérites, faut-il le reconnaitre, reviennent entièrement au président de la République, El Hadj Ibrahim Boubacar Kéïta. Lequel dispose d’une très grande crédibilité auprès des mouvements et auprès de tous les Maliens. Je crois que c’est la preuve que le score sans appel (+77% des suffrages) avec lequel il a remporté l’élection présidentielle en 2013 n’est pas le fruit du hasard. C’est la preuve aussi que tout le monde lui fait confiance. Aujourd’hui, la dynamique qu’il a engagée est très bonne. Et nous ne pouvons que nous en féliciter. En conclusion, je peux dire que le processus de paix au Mali est véritablement en marche et qu’il ne reste plus que la partie des financements. Nous fondons un grand espoir que les engagements tenus à l’issue de la rencontre de Paris qui a eu lieu du 21 au 22 octobre dernier seront respectés par les partenaires du Mali.
Kibaruu : Est-ce que les obstacles constatés çà et là ne sont pas de nature à remettre en cause ces acquis du processus ?
M. Zahabi Ould Sidi Mohamed : Vous savez le nord du Mali a été, pendant plus de quatre années, sans Etat. Lequel retourne progressivement. Il y a eu un chaos et des actes illégaux se sont produits là-bas en raison de la libre circulation des bandes armées. Dans un tel environnement, ne soyez pas surpris qu’il y ait des accrochages et des règlements de comptes. Une preuve supplémentaire qui démontrent que toutes les populations du Mali et particulièrement celle du Nord ont plus que jamais besoin d’un retour de l’Etat, de ses institutions, d’un Etat de droit parce qu’on ne peut pas travailler et vivre dans l’anarchie. Je crois que les populations l’ont bien compris et tout le monde cherche aujourd’hui à ce que l’Etat revienne pour que la vie puisse reprendre. Mais quand il n’y a pas d’Etat, les gens sont livrés à eux-mêmes, c’est la loi du plus fort qui s’impose. Comme vous le savez, il y a des armes qui circulent, des groupes armés qui opèrent en toute illégalité et certains sont même dans la drogue et le terrorisme. Dans un environnement pareil, tout le monde a besoin que l’Etat revienne pour remettre de l’ordre afin que les populations puissent aspirer à une vie paisible et un développement harmonieux de leurs terroirs.
Kibaruu : A l’occasion du lancement du journal en ligne www.kibaruu.ml que nous souhaitons dédier au processus de réconciliation au Mali, quel appel avez-vous à lancer ?
M. Zahabi Ould Sidi Mohamed : S’agissant de votre journal en ligne, je lui souhaite beaucoup de succès puisqu’il est dédié à la réconciliation et à l’entente, je vous en félicite. Et je peux vous assurer du partenariat du ministère de la Réconciliation nationale et aussi de la commission Vérité, Justice et Réconciliation. Votre site sera une opportunité, car il sera un porte-voix de la paix, de la réconciliation et du vivre-ensemble auxquels aspirent tous les Maliens.