Marche contre la mise en place des autorités intérimaires à Gao : Plusieurs morts et des blessés

Par kibaru

La Cité des Askia a été, hier, le théâtre d’affrontements entre forces de l’ordre et manifestants, qui se sont terminés dans un bain de sang. En effet, à l’initiative des jeunes issus des mouvements de résistance, une marche de protestation contre les autorités intérimaires a eu lieu dans la ville. Faute d’autorisation, les autorités locales ont dépêché des éléments des forces de maintien d’ordre pour dissuader les manifestants. Une situation qui a entrainé des rixes au cours desquelles l’on a déploré plusieurs morts et des blessés tant du côté des manifestants que celui des éléments chargés de maintenir l’ordre.

Outre leur exclusion dans la mise en place des autorités intérimaires – prévue le vendredi prochain – chargée de gérer les affaires de la ville jusqu’à la tenue des prochaines élections de proximité, les manifestants protestaient également contre leur non-prise en compte dans le processus de cantonnement ainsi que la cherté des produits de grande consommation tel le carburant dont le litre est passé de 375 à 500, voire 700 FCFA.

La marche devait prendre le départ au niveau du Tombeau des Askia (site classé sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité) pour s’achever au gouvernorat où les manifestants voulaient remettre un cahier de doléances auprès du représentant de l’exécutif local. C’était compter sans la mobilisation des éléments chargés du maintien d’ordre qui se sont interposés pour les dissuader, la marche n’étant pas autorisée. C’est ainsi que celle-ci a dégénéré, donnant lieu à des affrontements violents entre les forces de maintien d’ordre et des jeunes. Au moins 5 morts ont été recensés ainsi que de nombreux blessés parmi lesquels des éléments des forces de l’ordre. Le bilan pourrait même s’alourdir, car l’hôpital de la ville est débordé et le pronostic vital de certains blessés est engagé. Des sources ont également indiqué que les violences ont été étendues dans d’autres endroits de la ville. Aussi, d’aucuns estiment que les manifestants ont été infiltrés par des éléments perturbateurs qui voulaient en découdre avec les forces de l’ordre.

Visées radicales

Rappelons que c’est peu avant la mi-journée que le calme est revenu. Les autorités ont indiqué avoir informé les manifestants que leur marche ne pouvait être autorisée, car certains éléments armés avaient plutôt des visées radicales. Aussi, elles ont affirmé que les manifestants pouvaient directement les saisir pour faire part de leurs doléances qui seront traitées avec diligence sans pour autant avoir besoin de recourir à des rassemblements qui peuvent déborder.

Signalons que la veille, près d’une vingtaine de personnes soupçonnées d’être à l’origine de cette marche ont été interpellées. Ce qui n'a, semble-t-il, pas découragé les marcheurs.

Actuellement, la ville ressemble à un véritable état de siège avec des hommes armés en uniforme qui occupent les principales artères. Les concertations se multiplient entre les personnalités de la ville pour tenter de ramener la quiétude. On annonce également qu’une délégation de la Plateforme est attendue aujourd’hui pour contribuer aux efforts d’apaisement. Il faut dire que cette tension risque de perdurer tant que les jeunes de la 7e région administrative du Mali, qui se sont fortement mobilisés pour barrer la route aux occupants narco-terroristes en 2012, seront exclus des mécanismes prévus par l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. Une situation favorisée par le fait que la ville connait un très fort taux de chômage qui frappe majoritairement des jeunes désœuvrés et susceptibles d’être instrumentalisés par des milieux hostiles au retour de la paix.

Enquête indépendante

A noter que c’est la seconde fois en un peu plus d’une année qu’une manifestation dégénère à Gao. On se souvient que le 27 janvier 2015, pour protester contre la conclusion d’un accord jugé partisan entre la MINUSMA et les ex-rebelles portant création d’une « zone temporaire de sécurité », des jeunes de Gao avaient organisé une manifestation sévèrement réprimée causant la mort d’au moins trois personnes et faisant plusieurs blessés. C’est donc l’occasion d’engager de franches discussions avec ces jeunes qui ne demandent qu’à être traités avec égard et considération au regard des sacrifices qu’ils ont consentis lors de l’occupation des villes du nord en 2012. Ce pour éviter que de tels drames ne se reproduisent.

Actuellement, seule une enquête indépendante permettra de faire la lumière sur ces violences afin que les responsables soient sanctionnés de quelque bord qu’ils se trouvent.