Un véritable climat de peur et d’insécurité règne dans le nord et le centre du Mali, selon un expert onusien

Par kibaru

L’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, Alioune Tine, est extrêmement préoccupé par la dégradation continue de la situation sécuritaire, et humanitaire au nord et au centre du pays.

« Au nord comme au centre du pays il règne un véritable climat de peur et d’insécurité avec un impact réel sur la vie des populations, hantées par les violences quotidiennes. Cette situation est due à l’absence de certaines autorités de l’État à Tombouctou, à Gao, à Kidal, à Mopti et à Ménaka, notamment l’absence du système judiciaire, administratif, de défense et de sécurité » a déclaré l'expert au terme d’une visite de douze jours dans le pays.

« L’État n’a pas assuré son rôle régalien de protection des biens et des personnes et de traduire en justice les auteurs d'actes criminels », a précisé Alioune Tine.

Le climat généralisé d’impunité est également aggravé par les dysfonctionnements chroniques de la justice avec les magistrats en grève depuis plus de 70 jours.

La recrudescence des confrontations entre membres de différentes communautés, les règlements de comptes, les assassinats ciblés, la pose des engins explosifs, les attaques des convois humanitaires, les enlèvements, les vols, les viols et les violences sexuelles commis sur les routes et dans les villes ont un impact sur la vie, l’intégrité physique, la mobilité de personnes et sur leurs activités économiques.

Les viols et les violences basées sur le genre, nouvelle inquiétude

Même les femmes et les enfants ne sont pas épargnés par ces violences. « Il y a un phénomène tout à fait nouveau que nous avons découvert surtout au nord, ce sont les viols, les violences sexuelles basées sur le genre qui n’épargnent pas les jeunes filles et les enfants », s’est indigné M. Tine. « C’est inadmissible, inacceptable ».

« Aucune femme ne peut monter dans un bus entre Gao et Bamako sans risque de violence physique ou sexuelle », a dit l’expert indépendant.

Il recommande à la communauté internationale de renforcer son engagement avec l’État malien pour qu’il puisse remplir ses obligations relatives à la protection des biens et des personnes, surtout concernant les violences faites aux femmes et aux jeunes filles, auxquelles il faut absolument mettre un terme.

Il a exprimé son inquiétude par rapport à l’exacerbation des conflits intercommunautaires qui constituent de plus en plus des ferments dangereux pour la cohésion nationale et le vivre ensemble. L’État du Mali, la société civile et les citoyens doivent développer de toute urgence des stratégies de nature à mettre fin à cette situation, a affirmé l'expert.

Renforcer la sécurité afin d’éviter de perdre une génération d'écoliers

L’absence de l'État dans le centre et le nord du pays continue de toucher des milliers d'enfants qui n'ont pas la possibilité d'aller à l'école. Au moins 332.400 enfants ont été privés du droit à l’éducation durant l’année scolaire 2017-2018. Les enseignants craignent pour leur sécurité, en particulier dans les zones où des groupes armés extrémistes seraient actifs.

« Des mesures de sécurité doivent être prises pour que le Mali évite une génération perdue d'écoliers », a averti Alioune Tine. L’expert indépendant salue toutefois les efforts du gouvernement avec la visite du Premier ministre dans le centre du pays lors de la rentrée scolaire pour adresser à la fois cette question ainsi que celle des conflits intercommunautaires. Il l’invite à faire davantage pour assurer la sécurité des personnes dans le centre et nord du pays.

L’Accord de paix connait des difficultés « sérieuses »

L’expert indépendant a exprimé également sa préoccupation par rapport aux tensions politiques liées à la situation post-électorale et à l’organisation des prochaines élections législatives.

M. Tine a souligné qu’il y avait des difficultés sérieuses dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger qui pourraient être réglées par de mesures législatives fixant le statut juridique des acteurs de la paix.

Les incompréhensions et malentendus que cela a créé auprès de certains acteurs de la paix, comme la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d'Alger et le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) ont joué sur la confiance des groupes armés concernant l’application de l’Accord notamment sur le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion, déterminant pour une paix durable.

L’expert indépendant recommande enfin à tous les acteurs sur le théâtre des opérations de respecter strictement l’indépendance et l’impartialité des organisations humanitaires dans leur assistance alimentaire et sanitaire aux populations touchées par le conflit.
Au cours de sa visite, M. Tine a visité les régions de Bamako, Gao et Kidal et a rencontré des membres du gouvernement malien, des membres de l'opposition politique, des membres de la communauté internationale, des membres des forces armées maliennes et du CMA, ainsi que des représentants de la société civile et des chefs traditionnels.

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